Séquence colorée : Le jaune

 

tableau souliers-van-gogh

« Les vieux souliers » de Van Gogh

 

« Sourire jaune »

Je ne vous parlerai pas de ce jaune joie, festif. Non, pas aujourd’hui, je n’ai pas le cœur à sourire ou alors il sera jaune, sans chaleur à faire pâlir les visages, presque inquiétant voir frustrant.

J’ai froid, complètement paralysée par mes émotions, les mots attisent mon intérieur. Je brûle de dire… Mais avant je me tais, me reprends.

Je déroule mon écran espérant m’évader, surfer sur un je ne sais quoi, pourvu que ça me vide la tête.

Et dans mon silence, d’image en image, mes yeux n’en peuvent plus de cette surenchère de la souffrance. Pas une journée ne passe sans l’exposition de ces photographies qui me rongent de l’intérieur.

Je m’accroche à mon humanité et m’oblige à fermer ces pages, ces liens. Epinglé, scotché à ma chaise, je me sens profondément brutalisée, je reprends mon souffle puis m’indigne.

Cette injustice frappante, humiliante, inhumaine !

Comment en sommes nous arrivés là ? La déception m’appelle … Mais il faut raison gardée, me dis-je, et je m’encourage à comprendre.

Je sais que je n’ai pas besoin de voir l’horreur pour agir, et, j’ai conscience que mes soeurs et frères engagés, dans l’humanitaire, ont leur raison.

Que leur investissement, vaut respect et bienveillance alors je comprends …

Je comprends et en même temps, je supporte mal qu’on mette en exergue la misère, l’excès, les folies de la haine.

Alors, je réalise…

Que notre communauté s’est déshumanisée et qu’elle chante la maladie du bonheur.
Qu’il faut lui donner sa dose « électro-chimique » photographique pour toucher son sensible même dans l’horrible, il faut que l’alchimie opère ! – Les tristes lois de l’image – Amèrement, épouvantée de ce que nous sommes devenus.

Entre des acteurs qui crient l’espérance d’un monde meilleur et un spectateur assoiffé de l’outrance pour donner ! Je me dis que…

De peine en peine, on utilise toujours les mêmes erreurs.

Le consentement de tous, finalement, brûle l’injustice. Chacun tirant de son côté la justification de ses moyens, à torts ou à raison, les fautes resteront comme toujours inavouées et les responsabilités non assumées.

Alors, justifions nos moyens, allons y ! La famine, la détresse, la pauvreté ne posent aucune condition, elles lèvent même la règle !

Alors BismiLah !

L’urgence a sa part d’exception, son titre occasionnel, usons de bonne conscience el hamdouliLah

La famine photographiée sur tous les plans, la mise en beauté de la souffrance, le choix du sujet le plus marqué, le contexte théâtralisé, la stratégie employée… Toute cette mise en scène mercantile pour la bonne cause, donnons nous bonne conscience.

Déshumanisé, on ne s’interroge plus.

Le court terme a convaincu et le long terme a déçu.

Dans mon chagrin, j’espère encore qu’on arrivera à dépasser l’extrême par le sourire, que nous construirons nos propres traces à contre-courant selon notre conception de l’humanité, fidèle à notre héritage prophétique, dans l’honneur et la dignité. Dans la vérité non théâtrale, et dans notre éthique commune, d’élan exemplaire.

Cessons de suivre ceux qui n’ont que faire de notre prophète – alayhi salam -, donnons nous les moyens de vivre son humanité à son image. Il y a tant de possibilités …

Intimement fraternel

Bakhta Myseed